Les nouvelles interfaces mobiles
Je reviendrai certainement un de ces jours sur l’histoire de l’interface homme-machine mais ici quelques données suffiront à amorcer le thème qui nous intéresse aujourd’hui : celui de l’utilisateur et du processus de développement.
Les premiers informaticiens communiquaient avec leurs ordinateurs par le biais de langages parfois très complexes, mais surtout très bruts. Aujourd’hui, ces langages existent toujours mais sont souvent camouflés derrière des interfaces plus amusantes et plus instinctives. Les premières interfaces proposées sont celles de Windows qui les formalisent par le biais d’icônes symbolisant les différentes tâches à effectuer. Ces icônes ont peu à peu évolué pour revêtir deux aspects majeurs : la métaphore, ou stylisation d’une image représentative d’une action, ou le skeumorphisme qui propose une représentation beaucoup plus réelle (en plusieurs dimensions par exemple). On constate donc que le principe ne change pas, seul le graphisme varie.
On a pu voir au fil du temps que les actions, applications liées au téléphone mobile se sont diversifiées, proposant davantage de possibilités. Là où on pouvait tout juste téléphoner, on peut désormais filmer, photographier, regarder la télévision, écouter de la musique, partager des données, avoir un GPS intégré… Le téléphone mobile est donc devenu un véritable couteau suisse, puisqu’à défaut d’un tournevis et d’un tire-bouchon, on peut s’en servir comme niveau à bulle ou comme télécommande dans le cadre de la gestion domotique.
Bref, lundi soir, après quelques rappels historiques, l’intervenant issu de l’école de design de Nantes, Clément Thierry, émettait quelques hypothèses quant au développement des IHM à venir.
La première idée émise était celle d’une tendance à l’uniformisation des interfaces pour rassurer l’utilisateur qui retrouve ainsi ses profils et réflexes quelque soit le terminal utilisé. Il s’agirait de construire un écosystème numérique. A froid, je suis partiellement d’accord. : oui, on trouve désormais nos applications et nos profils sur la plupart de nos écrans. Toutefois, l’idée d’une harmonisation des normes internationales me semble encore lointaine. Pour des raisons économiques, chaque constructeur souhaite voir ses propres produits devenir des standards en proposant des spécificités, destinées à emporter le marché. Par exemple, Apple propose des applications compatibles uniquement entre terminaux de la marque, pouvant même communiquer hors opérateur. Techniquement, c’est certainement possible de l’appliquer aux autres marques, mais financièrement et d’un point de vue marketing, cela n’aurait aucun intérêt.
La proposition suivante était celle d’un médium (objet) transparent, dématérialisé, dans le style de ceux du film Minority Report. Là encore, j’ai tendance à dire : oui, et alors ?
Quel est l’intérêt réel pour l’utilisateur ? Montrer ses données au reste du monde ? En revanche, il s’agit évidemment d’un défi technique pour les chercheurs travaillant sur le sujet. Il n’y a pas de gain majeur en termes d’applications mais pourquoi pas.
La troisième proposition semble elle aussi utopique : celle d’un retour de toucher par le biais d’un terminal proposant des sensations à l’image du retour de force dans les jeux vidéos. Pourquoi utopique ? Parce que je me souviens très bien des travaux du Studio Créatif de France Telecom R&D à Rennes, travaillant sur les odeurs, dans le cadre notamment du portail interactif. L’intérêt pour le consommateur ou l’utilisateur n’est pas véritablement défini. En revanche, la prouesse technique associée justifie amplement le travail amorcé. D’un point de vue commercial, je reste toutefois dubitative sur les odeurs. Pour ce qui est du toucher en revanche, je peux concevoir de multiples utilisations selon les circonstances. Ce problème fut soulevé par la société Tactilia lors d’une animation basée sur un IPad contenant une application d’aide à la vente des produits du bois. Il s’agit de se déplacer dans la représentation en 3D d’une maison afin de tester les différentes possibilités de matériaux et les couleurs. Un catalogue intégré favorise le test pour le client qui va tester de manière ludique les produits. Le seul frein ici est bel et bien le manque de texture de l’écran qui ne peut montrer en réalité les caractéristiques tactiles des différents grains de bois. Pourtant, parfaitement instinctif, ce logiciel permet une prise en main immédiate par l’utilisateur qui n’a aucune retenue et essaie de nombreuses combinaisons. Ce qui m’a personnellement plu à ce sujet, c’est que contrairement à quelques années en arrière, les tablettes sont plus répandues et effraient moins les utilisateurs qui y trouvent souvent des interfaces très ludiques, faciles à appréhender. Cette évolution s’est faite comme souvent en occident, et a fortiori en France, en partant du divertissement (téléphone, jeu vidéo) pour ensuite rejoindre le domaine professionnel. D’autres éléments furent proposés lundi par d’autres sociétés, comme l’IHM à partir de la kinect ou à partir des ondes cérébrales, mais les animations se révélèrent un peu moins attractives car moins ludiques et moins achevées du point de vue du résultat.
Pour conclure sur cette occasion de réfléchir sur les nouvelles interfaces, je constate qu’une fois encore, la science molle que je suis s’aperçoit que l’utilisateur n’est pas complètement situé. Malgré les nombreuses approches orientées utilisateur dont on parle aux ingénieurs, c’est tout le processus qui devrait être redéfini. On continue à évoquer le futur du point de vue technique sans pour autant intégrer l’utilisateur. Il reste alors à tenter de créer de nouveaux besoins pour définir un marché au lieu d’exploiter l’utilisateur afin de mettre en place les conditions d’acceptation de ces nouvelles technologies. Ce qui laisse une belle vie aux marketteurs, c’est un fait. Pourtant, certains exemples de cette intégration d’office démontrent l’intérêt d’une approche plus large et non pas seulement justifiée par la technique.