Sans être experte en danse de rue, la preuve je ne sais même pas dire quelle est leur spécialité (breakdance ? hip hop ?), j’ai eu envie de faire un point sur un petit événement qui m’a bien impressionnée il y a de cela quelques jours.

Je situe les choses : à la sortie du parc Disneyland, sur l’esplanade devant la gare, une bande de cinq jeunes s’installent, ghetto blaster aux pieds. Tee shirt blanc estampillé Criminalz Crew, bas de jogging noir et pour l’un d’entre eux la casquette de travers, perchée au sommet du crâne, cliché du bad boy. Voici pour le décor, passons aux faits : hors de question de commenter la prestation « scénique »- même si c’était vraiment très réussi- ce qui me fait réagir ici, c’est la capacité qu’ils ont pu avoir à remuer un public complètement amorphe. Le plus simplement du monde, ces jeunes gens ont su faire preuve d’énormément d’inspiration pour attirer le public dans leur show.

Le pari n’était pas gagné d’avance : trois passants qui s’arrêtent le plus loin possible pour ne pas être abordés, la foule qui circule en second rideau... Il en faut visiblement plus que ça pour les décourager. Les jeunes gens se sont aussitôt lancés dans une suite de sketchs, où le plus costaud prenait par exemple le rôle d’une minette sophistiquée et maniérée, tandis que les autres occupaient le terrain, prenant régulièrement le contre-pied de la musique proposée : figures ridicules comparées aux morceaux plus sexy et inversement. Résultat des courses, au bout de quelques minutes, plus d’une cinquantaine de personnes se sont amassées, prêtes à apprécier le spectacle court (5mn), mais solide et acrobatique.

D’un point de vue strictement communicant, je trouve ça intéressant pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il n’était pas évident de réduire la distance physique : ce sont des danseurs et pas forcément des petites carrures… donc physiquement impressionnants. Ensuite, le cadre n’était pas propice de prime abord pour attirer le chaland : trop chaud, trop de monde, des gens pressés, un maximum de gens grognons (eh oui c’est Paris…) … Enfin, le plus grand résultat n’était pas que les gens s’arrêtent regarder puisque c’était chouette, c’est d’avoir vraiment fait rentrer la foule dans l’idée d’un spectacle où l’on ne fait pas que consommer, où l’on sourit, où l’on frappe dans les mains, où l’on donne une pièce. La danse, c’est communiquer par le corps, c’est certain mais le parti pris de l’autodérision est ici un excellent choix et renvoie à l’idée majeure dans la communication de savoir d’une part toucher son public et d’autre part de prendre des biais pour forcer l’attention sans en avoir l’air. Belle manipulation, discrète et modérée pour capter l’attention. Pas d’agression dans l’appel au public, simplement de la bonne humeur et quelques figures allant du simplement ridicule au plus sophistiqué pour donner envie de jauger les danseurs, le tout sans se décourager devant le masque du public.

Evidemment, pour devenir danseur il faut s’entraîner, se blesser, recommencer et persévérer, c’est donc moins étonnant de leur part, mais j’aimerais sincèrement voir plus de gens faire cet effort au quotidien car le résultat en vaut vraiment le coup. Donc, merci aux Criminalz Crew pour ce mini-spectacle et pour la réflexion qu’il a déclenchée.