Arrêté aux Etats Unis, l'homme politique se trouve en fâcheuse posture : affaire ou coup monté (sans vilain jeu de mots...), peu importe, maintenant il faut gérer la crise avant qu'elle n'entraîne la déroute du parti socialiste à la veille des primaires.

D'un point de vue pratique, ce cas de crise d'image est très intéressant car il offre en un clin d'oeil de nombreuses possibilités pour réagir à l'événement. Pour cet exercice, comme toujours, il est nécessaire de faire une totale abstraction du clivage droite-gauche, qui n'a absolument aucun intérêt ici.

Le problème et sa crise

D'abord, les faits tels qu'on les connaît, c'est-à-dire pas grand-chose : DSK est arrêté pour "agression sexuelle, tentative de viol et séquestration". Il aurait été identifié par une jeune femme d'une trentaine d'années, femme de chambre à l'hôtel Sofitel de New York, et qui l'accuserait de l'avoir obligée à lui pratiquer une fellation. La comparution de l'homme politique français aura lieu ce lundi 16 mai à 17h (heure française), ce qui laisse amplement le temps (près de 48h) pour les uns et les autres de donner libre-cours à leur imagination. La crise : DSK, désigné par les sondages comme le meilleur en lice pour le parti socialiste, se trouve confronté à une affaire douteuse, qui risque de lui coûter sa candidature à la présidentielle. Quels moyens pour limiter les impacts, alors qu'on ne sait presque rien de cette affaire (ou non affaire... on le saura sans doute plus tard)?

Les solutions pour limiter les dégâts

A priori, tout le monde s'accorde à gauche pour écarter d'emblée la solution du silence. En effet, cette solution, peu efficace en général est ici à proscrire : tous les délires sont possibles, mieux vaut donc essayer de calmer le jeu.
 Mais alors, que reste-t-il? Il ne faut pas nier l'existence possible d'une victime, ne pas charger l'homme, tout en laissant l'enquête avancer correctement pour tirer le fin mot de l'histoire.

Dans ce cas, quelle stratégie envisager? La prise de parole semble la meilleure option, à condition de faire très attention à ce qu'on dit. J'ai entendu, partiellement malheureusement, deux interventions citées à la télévision ce matin, la première sur RTL de Manuel Valls, et la seconde de Julien Dray. Il me semble, d'après ce que j'en ai entendu, qu'il vaudrait mieux recourir au verbe d'un spécialiste de la communication de crise, car ces interventions m'ont parues bien maladroites et peu marquantes compte-tenu de l'axe choisi. Bien entendu, ce n'était pas anodin d'interroger ces deux amis de longue date de Dominique Strauss-Kahn, qui ne peuvent pas imaginer ou encore moins proclamer la culpabilité de DSK. Mais il me semble qu'il serait intéressant pour le PS d'avoir recours au plus vite aux services d'une agence spécialisée dans la crise. En effet, il existe de nombreux angles d'attaque pour essayer d'estomper la crise et laisser les faits parler, en voici quelques uns qui semblent pouvoir ménager la victime présumée autant que le suspect, dont la culpabilité n'a toujours pas été établie.

D'abord, il y aurait moyen de décaler la polémique sur le fait qu'un jeune UMP ait donné l'info de l'arrestation bien avant les faits avérés : qu'il ait eu un Uggy les bons tuyaux particulièrement efficace ou non, il y aurait beaucoup à dire sur la vérification des informations, les campagnes de dénigrement.... Mais ce serait rejeter la faute sur quelqu'un d'autre, ce que je déconseille dans un premier temps.

Ensuite, il y a un sujet sur lequel on peut s'étendre longuement sans prendre de risque : la différence de culture. Tout le monde sait qu'aux USA le rapport au corps est différent de celui qui existe en France... là-bas, les scènes d'amour sont visibles par les moins de 10 ans, et Janet Jackson a fait les frais de son téton à l'air pendant des mois... Bref, dans ce cadre il est possible d'émettre des hypothèses, certes peu flatteuses pour la "classe" de DSK, mais néanmoins bien loin du viol, tout en considérant que la jeune femme puisse avoir mal interprété un geste. Par exemple une main aux fesses, considérée comme un geste grossier et minable en France, serait sans aucun doute défini comme une agression sexuelle aux USA... Dans un cas comme dans l'autre, le décalage de l'interprétation pourra être utilisé comme moyen de défense. De nombreux scénarios peuvent ainsi être émis pour expliquer les choses, en attendant que les faits soient avérés ou complètement démentis, tout en restant dans le cadre de la réalité.

Enfin, un autre point mérite qu'on s'y attarde. Entre le système français et le sysème américain, il y a de grosses différences. En France, on privilégie la présomption d'innocence, qui a le mérite de limiter les erreurs judiciaires mais qui augmente le risque de récidive, tandis qu'aux USA, on privilégie l'accusation. Ce qui veut dire que dans le système américain, le procureur et la police vont prouver la culpabilité de l'accusé, pendant que la défense devra démonter chaque argument. Bref, avant de savoir sur quelles braises DSK va devoir marcher, il faudra attendre la décision de l'audition prévue en fin de journée. Il peut très bien y avoir une bonne surprise si la défense peut établir qu'il n'y a eu aucun contact physique entre le directeur du FMI et la jeune femme, ou une très mauvaise si les services de police peuvent prouver qu'il y a bien eu violence et agression sexuelle grâce aux traces ADN, griffures et autres indices.

Rester prudent tant qu'il n'y a pas de faits avérés

Pour le moment, la seule possibilité laissée à la gauche est bel et bien de ménager la chèvre et le chou, car malheureusement pour eux, il y a eu des précédents avec DSK pour ce qui concerne les histoires de fesse... En même temps, la proximité des primaires et de la présidentielle peut laisser penser qu'il y a complot ou pour le moins campagne de dénigrement. Par ailleurs, DSK ayant accepté de se prêter à toutes les analyses médico-légales demandées par la justice américaine, il serait bon de s'attarder sur la sérénité du Président du FMI face à cette affaire, plutôt que de privilégier tout autre chose. Là encore, l'audition apportera des faits concrets et de nouveaux éléments permettant de mieux appréhender la situation.